CHIMIE : Tout savoir sur l’aspect scientifique des sels de nicotine.

CHIMIE : Tout savoir sur l’aspect scientifique des sels de nicotine.


Frédéric Poitou est ingénieur et Docteur es Sciences. Il est Expert Judiciaire et agrée par les institutions européennes. Son laboratoire (www.laboratoire-signatures.eu) est spécialisé dans l’analyse de la composition et des émissions de e-liquides


Les sels de nicotine connaissent un succès public grandissant, par l’effet qu’ils produisent dans les e-liquides dans lesquels ils sont incorporés. Cependant, on trouve sous la dénomination « sels de nicotine » des réalités très différentes. Cette mise au point ne traite que le cas des trois sels de nicotine les plus courants (benzoate, lévulinate et lactate), mais la problématique reste identique pour les autres sels de nicotine du marché (citrate, pyruvate, malate, succinate), plus rarement utilisés.

 

Préparation et réalité chimique

Un sel est obtenu en associant un acide et une base par liaison ionique.

Pour faire simple, une liaison ionique ressemble à l’attraction de deux aimants l’un vers l’autre. Les cristaux qui en sont issus sont généralement solubles dans l’eau, sensibles au pH et à l’électronégativité (puisque leur association est de type électrostatique). Le liquide ainsi obtenu traverse, dans un premier temps, une résistance où il subit une influence électrostatique, puis l’environnement buccal dont le pH est alcalin.

Il existe des sels minéraux qui associent des métaux et des minéraux, comme le sel de table et des sels organiques qui associent des molécules carbonées et oxygènées, comme dans le cas qui nous intéresse ici.

Sels de nicotine sous forme de cristaux. (Crédit : Le Vapelier O.L.F )

Etape 1 : Obtention des cristaux

En mélangeant les deux composés dans des conditions très précises d’acidité (pH), de température, mais surtout de proportion relative et après évaporation du solvant, les deux molécules se lient de manière stable. Un sel de nicotine n’est pas un liquide, mais un cristal, de point de fusion de l’ordre de 18,7°C qui contient les proportions d’acides et de nicotine suivantes, selon le sel considéré :

Benzoate de nicotine : 57,05% de nicotine et 42,95% d’acide benzoïque.

Salicylate de nicotine : 54,02% de nicotine et 46,01% d’acide salicylique.


Lévulinate de nicotine : 58,29% de nicotine et 41,71% d’acide lévunique

C’est sous cette forme de cristal, dont la pureté doit être systématiquement contrôlée, et dont nous avons un témoin pur au laboratoire, que le produit est vendu aux fabricants. Un procédé bien maitrisé conduit à des cristaux d’une pureté supérieure à 99,8%, alors qu’un mécanisme réactionnel approximatif conduit à la présence d’acide ou de nicotine libres qui rendent le produit fini potentiellement dangereux.

Etape 2 : Dilution

L’intermédiaire suivant dilue les cristaux dans un mélange PG/VG puis les revend aux formulateurs.

Après analyses, on constate au laboratoire que moins de 20% des échantillons analysés sont conformes aux indications des fiches techniques et d’étiquetage. Dans le meilleur des cas, les concentrations sont plus faibles qu’annoncées, dans le pire elles sont totalement fantaisistes si bien que le formulateur ne connaît pas le taux de nicotine du produit fini qu’il propose aux consommateurs avant mise sur le marché, ce qui peut lui poser un vrai problème d’étiquetage.

Il convient de noter que les organismes français et européens compétents (l’ANSES, DGCCRF et EFAS) ne considèrent que le taux réel de nicotine libre contenu dans le produit fini selon la législation existante.

 

Avantages et inconvénients des sels par rapport à la nicotine libre.

D’un point de vue chimique, ils présentent quelques avantages fonctionnels par rapport à la nicotine base libre pure, principalement parce qu’ils sont plus stables s’ils ont été bien formulés au niveau du pH.

D’un point de vue organoleptique (qui est susceptible d’exciter un récepteur sensoriel), les différences sont plus importantes. Etant donné qu’ils sont plus proches de la forme chimique présente dans les feuilles de tabac et du fait d’un pH moins élevé, les sels de nicotine procurent une plus grande douceur dans la gorge. Ils permettent aussi un passage plus rapide dans le sang et n’ont par ailleurs ni l’effet gustatif désagréable provenant de l’azote libre présent dans la nicotine pure, ni l’effet d’amertume liée à un pH alcalin. L’impact de la nicotine est donc plus élevé et se fait dans des conditions sensorielles plus douces.

En résumé, les avantages sont :

  • Augmentation de l’effet de la nicotine
  • Diminution du temps d’effet
  • Augmentation de la stabilité
  • Pas (ou peu) d’interaction sur le goût

Alors que les inconvénients semblent être :

  • Diminution de l’effet de « hit »
  • Lacune d’informations claires proposées par les fabricants
  • Absence quasi générale de documentation technique fiable sur les sels de nicotines proposés
  • Le fait historique que les sels de nicotine aient été originellement utilisés comme « leurres » des méthodes de dosages des taux de nicotine.


Les sels commerciaux.

Lors de l’inhalation le sel de nicotine se transforme pour se dégrader pour partie en nicotine libre et en acide (benzoique, lévulinique ou salicylique selon le sel considéré). Si l’on connait la toxicologie de la nicotine, on pense souvent que les acides qui lui sont liés sont neutres. Ce n’est pas le cas.

L’acide benzoïque :

L’acide benzoïque, bien qu’autorisé en tant qu’additif alimentaire, n’est pas un produit anodin. Consommé régulièrement ou à forte dose, il est responsable de toux et de nausées pouvant conduire à des chocs anaphylactiques. Il fait actuellement l’objet d’études pilotées par la Commission Européenne visant à vérifier l’absence d’effet cancérigène/mutagène ou de réaction avec certains additifs alimentaires qui pourrait conduire à des dérivés toxiques. Il pourrait aussi être ajouté à la liste des allergènes soumis à déclaration.

L’acide salicylique :

L’acide salicylique est un précurseur de l’acide acétyl salicylique (l’actif de l’aspirine, issu du saule). Il est autorisé en tant qu’additif alimentaire comme conservateur et antiseptique, mais il est aussi utilisé en cosmétique en tant qu’agent antipelliculaire, anti-acné et dénaturant mais limité à 3% dans le produit fini, et interdit pour les produits destinés aux enfants car il est considéré comme irritant et allergisant.

L’acide lévulinique :

C’est un acide relativement neutre, utilisé dans l’industrie des plastiques et des caoutchoucs, ainsi qu’un photo-sensibilisant. Mais il est principalement utilisé dans l’industrie des tabacs car il semble augmenter notablement la fixation de la nicotine au récepteurs jusqu’à +30% selon les références bibliographiques, du fait d’une affinité chimique supérieure. (Lippiello PM, Fernandes K (1989, Sep 25 “Enhancement of nicotine bindung to nicotinic receptors by nicotine levulinate an levulinic acid”. BN 508295794. RJR).


Qualité des sels de nicotine commerciaux.

Si nous nous référons à nos expériences en laboratoire (www.laboratoire-signatures.eu), moins de 20% des produits étudiés présentent des taux de nicotine conformes à leur étiquetage (il en est d’ailleurs de même au niveau du ratio PG/VG). Les taux de nicotine libre, qui devraient théoriquement être quasiment identiques, quel que soit le procédé de cristallisation mis en œuvre, varient dans les faits entre 10 et 50%.

Cette situation peut avoir plusieurs origines :

  • Mauvaise maitrise du procédé de synthèse (pH, température, rendement réactionnel …)
  • Mauvais contrôle des pesées
  • Cristallisation partielle, et mauvaise stabilité.
  • Dilution trop importante
  • Absence de contrôles qualité aux différents niveaux du procédé (cristallisation, dilution …)


Conclusion.

Face à ces approximations, tant pour la santé des consommateurs qui pourraient être exposés à des doses inadéquates de nicotine libre, que pour les distributeurs et fabricants qui pourraient voir leurs produits retirés du marché au motif d’un défaut d’étiquetage ou pour mise en danger du consommateur, il est donc impératif pour les formulateurs d’e-liquides de s’assurer de la réelle composition des sels de nicotine qu’ils utilisent.
Pour ce faire, il leur est nécessaire d’exiger de leurs fournisseurs des bulletins de contrôle émanant de laboratoires agrées, puis de vérifier le dosage du produit fini, avant de l’intégrer dans leurs formulations. C’est donc le contrôle optimal de toute la chaine de production qui garantira un produit conforme, un étiquetage cohérent et une plus grande transparence.

Cet article scientifique est tiré du troisième numéro de « La Vape de la Carotte » (FEVRIER 2019) appartenant au Vapelier O.L.F. Toute reproductiontotale ou partielle, de cet article ou d’un ou de plusieurs de ses composants, par quelque procédé que ce soit, sans autorisation expresse du Vapelier O.L.F, est interdite.
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A propos de l'auteur

Ayant une formation de spécialiste en communication, je m'occupe d'une part des réseaux sociaux du Vapelier OLF mais je suis également rédacteur pour Vapoteurs.net .